Publiée le 12 avril 2021

Modifiée le 22 avril 2021

Les Diligences

Mots-clés : Cœur historique | Histoire | Liège | XVIIIè

Nombreux sont les curieux qui aiment à flâner devant les vitrines d’AXSO pour y observer toutes les merveilles qui y sont exposées. Et c’est pourtant juste à côté de ces vitrines que vous pourrez croiser des groupes entiers de touristes, rassemblés pour écouter les explications de leur guide.

Ce qui explique la présence de tous ces visiteurs entre la vitrine et la porte du numéro 2 du Quai de Maestricht ? La plaque commémorative rappelant le rôle qu’a joué ce lieu dans l’histoire des diligences.

Cette plaque en carreaux de faïence peints a été posée sur la façade autour de 1950 par l’antiquaire Gaston, ancien occupant du bâtiment durant plusieurs décennies. Elle illustre le chargement d’une diligence dont les passagers, vraisemblablement bourgeois ou aristocrates, attendent patiemment l’embarquement. Vous pouvez y lire:

D’ici partaient en 1750 les diligences pour Bruxelles – Anvers – Verviers – L’Allemagne – la Suisse – L’Italie

L’inscription est soulignée par deux pistolets croisés, nous rappelant que l’armurerie fut pendant longtemps une des grandes sources de prospérité de la Cité Ardente, et plus particulièrement du quartier nord de la ville. Un artisanat et une industrie qui participèrent au rayonnement de Liège à travers la Vieille Europe, justifiant des moyens de transport efficaces tels que l’étaient les diligences.

Mais qu’est-ce qu’une diligence ?

Le terme « diligence » est synonyme de rapidité et d’efficacité. Il fut repris pour désigner des voitures tirées par des chevaux de Postes, effectuant de très longs trajets en un temps record, permettant ainsi aux voyageurs et à leurs bagages de circuler entre les grandes villes de la future Europe.

Les Postes étaient des relais routiers distants de quelques lieues, où les voyageurs pouvaient échanger leurs chevaux fatigués par des chevaux frais. En remplaçant les attelages très régulièrement, les voyageurs pouvaient se permettre de maintenir un rythme endiablé et ainsi de parcourir des distances impressionnantes en un minimum de temps.

Ce système fut initialement organisé par Louis XI, avec l’édit de Luxies (19 juin 1464). Sur toutes les grandes routes du Royaume furent établis des dépôts de chevaux prêts à prendre la relève. Mais il s’agissait encore d’un outil royal, dont l’usage était réservé aux coursiers et autres voyageurs mandatés par le Roi.

Ce n’est que plus tard, au début du XVIIè siècle, que ce réseau des Postes fut ouvert au public.

Rapides… et collectives !

Jusqu’à cette époque, rares étaient ceux qui voyageaient: on ne trouvait guère sur le routes que les nobles, les marchands et les pèlerins. Et seul celui qui disposait de son propre véhicule et son propre attelage pouvait prétendre voyager autrement qu’à pied. Les transports publics n’étaient pas au centre des préoccupations, et ce, jusqu’à la fin de la Renaissance.

Ce n’est qu’à partir du XVe siècle, avec l’enrichissement de la classe bourgeoise, que cette dernière sentit la nécessité de se déplacer pour effectuer ses affaires et que de nouvelles solutions furent progressivement mises en œuvre pour permettre des voyages plus fréquents. Et une de ces solutions fut de rendre le transport collectif : il ne fut plus nécessaire de disposer de son cheval et de sa voiture pour effectuer un long trajet, le voyageur put prendre place à bord d’un moyen de transport partagé.

Ce principe restera d’application pour les diligences, non seulement rapides mais également collectives. À leur apogée, vers le milieu du XVIIIè siècle, les diligences prirent leur forme définitive et pouvaient couramment transporter jusqu’à 16 passagers, répartis dans plusieurs compartiments plus ou moins luxueux.

Des transports dangereux

Bien que très appréciées à l’époque, les diligences n’étaient néanmoins pas dénuées de danger !

  • D’abord parce qu’elles étaient instables: il s’agissait de grandes voitures très chargées portées sur de hautes roues. Il n’était pas rare qu’elles basculent sur le côté, ces accidents provoquant couramment morts et blessés.

  • Ensuite parce que, traversant régulièrement des contrées reculées, elles étaient une proie facile pour les brigands: ces diligences étaient souvent la cible d’attaques de bandits, réclamant la bourse des passagers.

Et à Liège ?

Liège, cité à l’industrie florissante, ne faisait pas exception à la règle et étaient le point de départ et d’arrivée de nombreuses diligences. Et, si les sources historiques sont parfois divergentes, la tradition rapporte qu’un des principaux points de départ de ces diligences était situé devant le bâtiment aujourd’hui occupé par AXSO !

Quai de Maestricht
Quai de Maestricht, circa 1900

Cette imposante demeure bourgeoise s’appelait alors l’hôtel de Posson. Elle fut construite en front de Meuse au XVIIIè siècle par Jean Posson, représentant d’une illustre famille liégeoise, propriétaire de très importantes forges dans le quartier des Vennes.

Cette bâtisse était particulièrement bien située, au sein de la paroisse Saint-Barthélemy, tout à côté de Feronstrée, la rue des Ferons, où étaient rassemblés les commerces et ateliers de nombreux artisans ferronniers.

Le port de Liège était tout proche, s’étalant en aval du Pont des Arches sur ce qui est aujourd’hui le quai de La Batte. Face à l’hôtel de Ponson partait la barque de Maëstricht, permettant de se rendre facilement et en toute sécurité jusqu’à cette ville distante d’une quarantaine de kilomètres. Voilà d’où ce quai tire son nom actuel: le quai de Maestricht.

C’est donc une réelle plateforme multimodale qui était installée devant les vitrines d’AXSO, alliant les moyens de transport les plus efficaces de l’époque et rapprochant la Cité Ardente des meilleures places d’Europe !

Des lectures

  • A. Carlier, & Commissions de l’Institut Coopératif de l’Ecole Moderne. (1932). Bibliothèque de Travail – Histoire du Véhicule – Diligences et Malles-Postes (3e éd., Vol. 2). Ecole Cannes (A.-M.) – https://www.icem-freinet.fr/archives/bt/bt2/bt2.pdf
  • Théodore GOBERT. (1928). Liège à travers les âges – Les rues de Liège.
    Cet important ouvrage relate de nombreux renseignements dont se délecteront les passionnés.